Infiltrer cultures et pouvoirs
Claude Lorent in La Libre Belgique le 30/11/2005

Le plasticien français Philippe Terrier-Hermann investigue de ses œuvres la maison Grégoire à Uccle

Une petite table design, une série de photographies, un mikado géant, des céramiques chinoises, une vidéo, diverses publications, une boule de bowling en granit, d'autres photos... L'oeuvre de Philippe Terrier-Hermann (1970) est essentiellement polymorphe. Pour sa première exposition monographique à Bruxelles, l'artiste français propose des pièces étalées de 1996 à aujourd'hui. Alors qu'il est souvent perçu en tant que photographe à cause de sa série «Intercontinental 1996-2000», dont on peut voir quelques oeuvres, le plasticien adapte en réalité son mode de travail et la technique choisie en fonction du projet à réaliser et du domaine à investiguer. Ce qu'il recherche, ainsi qu'il le définit lui-même, c'est «d'approcher des cultures différentes et d'infiltrer des milieux variés auxquels, en principe, il n'aurait pas accès. Des milieux où s'exerce un certain pouvoir sous des formes très différentes.» D'où le jeu, la publicité, le monde des affaires, le Japon, l'artisanat...

Le dispositif dans la maison confère aux oeuvres le statut d'objet participant du quotidien. Chacun a trouvé sa place dans l'environnement, même le film qui semble passer tout naturellement à la télé, même le jeu rangé dans l'armoire, les photos, les sculptures. L'insolite participe du journalier sans rien déranger. Cette insertion est facilitée par l'esthétique soignée de chaque réalisation, objet, photo ou vidéo. Les images recherchées en leur cadrage, en leur mise en scène, parfaitement maîtrisées sur le plan de la réalisation, relèvent de la perfection style publicitaire comme les sculptures de celle des arts appliqués au meilleur niveau. L'harmonie obtenue est quasi au zénith.

Pourtant, chaque oeuvre sous ces dehors stylés s'ouvre à d'autres degrés d'accès comprenant une tranche critique sous-jacente. La boule de bowling n'est que décor en sa fragilité, le mikado géant donne la dimension des enjeux et l'appétit du meneur de jeu; les céramiques chinoises multipliées jusqu'à ne plus compter perdent leur valeur d'ailleurs variable au jour le jour, comme la bourse. Quant aux beautés japonaises sélectionnées par des Japonais en vue habitant Paris, diffèrent-elles des vues d'un calendrier chic réalisé par un photographe médiatisé?

Finalement, tout dépend du regard que l'on porte sur les choses et du point de vue adopté.

© La Libre Belgique 2005

Savoir plus
Philippe Terrier-Hermann. Tentatives de rapprochement. L'Observatoire, maison Grégoire, 292, Dieweg, à Bruxelles. Jusqu'au 17 décembre; samedi de 14 à 18h et srv par mail (observatoire@hotmail.com). A l'occasion de l'exposition, est coédité un ouvrage présentant les 106 photographies Beautés japonaises, avec un texte de Christine Buci-Glucksmann, Ed. Artimo & Archistorm-Bookstorming