En 1999, l'aide de la DRAC Haute-Normandie compte parmi les nombreux partenaires que Philippe Terrier-Hermann a pu associer à l'expansion de son entreprise artistique. C'est après deux années passées à la Rijksakademie van Beeldende Kunsten à Amsterdam et un an avant de partir à la Villa Medicis à Rome, qu'il obtient la bourse. Il voyage, il expose et publie dans le monde entier depuis quelques années, et c'est en "globe trotteur" multirécidiviste qu'il s'adapte aux situations et trouve des solutions pour réaliser ses projets.

On ne sait pas très bien sur quel pied danser avec Philippe Terrier-Hermann. Ses photos, ses vidéos, ses sculptures, le mobilier, les vêtements, le parfum, tout cela il l'invente, le copie, le transforme ou le récupère. L'artiste présente à travers tous ces mediums, les mêmes images: celles d'un monde aseptisé, d'un monde où le luxe règne, ennuie ceux qui y vivent et fascine ceux qui en rêvent. Où se situe Terrier-Hermann ? Peut-être ailleurs encore: dans une critique complaisante d'une société qui mêle l'envie, la lassitude, le dégoût, une société dans laquelle l'apparence et le pouvoir prévalent. C'est la forme - directement influencée par la publicité - qu'il récupère. Le discours il le produit. "Sur un angle purement créatif, mon travail est inintéressant, je ne cherche ni à innover, ni à trouver un style nouveau qui accroche, il n'y a rien d'outré chez moi, ni de caricatural... Je suis plutôt dans l'analyse et la reproduction d'un style déjà existant." Pour cela, l'artiste a créé en 1996 une entreprise factice dont il est à la fois le président et l'employé. Deux ans avant, Fabrice Hybert créait UR-sarl-, société s'inscrivant parfaitement dans son système de production artistique, et permettant de développer celui qu'il voulait créer. À l'image de celle d'Hybert, l'entreprise de Terrier-Hermann ("Intercontinental") ancre son travail dans une récupération critique, dans un monde où tout se joue (dans les deux sens du terme).
Une vidéo l'illustre bien: "Romans" (2002), tournée pendant la résidence de l'artiste à la Villa Medicis à Rome, met en scène de jeunes "gravures de mode" italiennes que l'artiste fait parler d'amour. Terrier-Hermann juxtapose à ces images séduisantes, des sous-titres anglais en totale discordance: avec une soudaine violence, ils basculent les scènes d'amour dans le monde impitoyable de la finance. Chaque univers se trouve caricaturé par sa coexistence avec l'autre.
Des photographies "Internationales" (c'est le titre de la série), présentent des architectures au design lisse. Tout est parfait, de la lumière aux habitants, de la couleur de la pelouse au mobilier... et pourtant rien ne colle, tout parait factice: les pierres (des "chinoiseries" réalisées par l’artiste) installées dans le décors, les habits (commandés ou designés par lui-même), le parfum qui porte son nom et qu'il a fait faire par un "nez", porté par les modèles.
Où se situe l’artiste dans tout cela ? Parle-t-il de lui, ou d’une frange de la société qui vit dans une fiction permanente, comme dans une pièce de théâtre qu’il s'amuserait à mettre en scène ?
Ou peut-être que, simplement, Philippe Terrier-Hermann récupère un système, des stratégies, pour élaborer les siennes.

Leonor Nuridsany