Philippe Terrier-Hermann en tête d'affiche
26/07/13 Par Emmanuelle Lequeux

Comme une publicité qui ne vendrait rien. Des images dont l'on ne connaît le but, qui « teasent » dans le vide… Depuis quelques semaines, d'étranges affiches envahissent les villes de France sur les panneaux d'ordinaire dévolus au marketing. Des mises en scènes dans lesquelles on peut repérer parfois un acteur connu, sur fond de paysage typiquement français. Elles sont l'oeuvre du plasticien Philippe Terrier-Hermann, dans le cadre d'une commande publique du Centre national des arts plastiques (Cnap). L'artiste a répondu plus que généreusement aux termes de la proposition. L'objectif du ministère consistait à faire travailler un photographe sur la notion d'espace public. Philippe Terrier-Hermann est allé bien au-delà. Pour ce projet qui a réclamé plus d'un an de travail, il a réalisé à travers six régions françaises une série de 60 photographies, dans la lignée d'un précédent travail sur la cinégénie des paysages californiens. Conscient que ces clichés vont entrer dans les collections nationales, il a soigneusement choisi les paysages photographiés en pensant au regardeur du futur : « J'ai retenu à la fois des paysages clichés, très allégoriques de la France d'avant, comme le Jura ou la Franche-Comté, et des paysages urbains en pleine transformation, comme les Halles, en me souvenant de la manière dont la carte postale, au début du XXe siècle, a été un outil de communication primordial sur les territoires ». Mêlant inconnus et vedettes comme Charles Berling ou Pascal Greggory, les comédiens sont eux aussi « représentatifs d'une diversité française, en termes d'âge, de taille, d'univers. Il y a aussi bien des habitués du cinéma indépendant qu'une actrice de Plus belle la vie. À chaque image, je veux que le public puisse s'accrocher à quelque chose qu'il connaît ». Mais l'originalité du projet réside surtout dans son mode de diffusion : jusqu'au mois de décembre, plus de 400 panneaux publicitaires dévoilent ces clichés un peu partout en France, tandis qu'un million de cartes postales sont distribuées gratuitement. « J'ai travaillé sur la notion d'espace public à la fois dans l'image et dans la manière de le montrer, explique l'artiste. J'ai toujours adoré les cartes postales, cette forme de diffusion très démocratique de l'image, sa référence aux congés payés, et j'ai tout de suite pensé à cela quand il s'est agi de proposer mes images à des gens peu habitués aux centres d'art ». Quelques-unes sont aussi dévoilées dans la presse quotidienne régionale, de Var Matin à L'Est Républicain. « Certaines personnes pensent que ce sont des teaser pour une production à venir, ou une pub H&M, s'amuse Philippe Terrier-Hermann. À Aix, comme j'ai mis en scène Andréa Ferréol sur fond de montagne Sainte-Victoire, et que cette actrice a été en bisbille avec la mairesse actuelle, tout le monde croyait qu'il s'agissait d'une campagne politique annonçant la candidature d'Andréa pour les prochaines municipales… » Beaucoup de badauds ont pu déjà entrevoir ces affiches dans leurs villes, sans y prêter attention. « À Paris, il n'y a que 40 panneaux, cela reste discret. En revanche, à Besançon ou Toulon, c'est tout de suite plus voyant », rassure l'artiste qui a un moyen précis de connaître l'impact de ses oeuvres sur le public : son site Internet. Le nombre de visites y a été multiplié par 15 depuis le début de la campagne, allant jusqu'à 400 visiteurs par jour. Les commentaires sont nombreux. « Les gens me remercient d'égayer leur vie, ou d'utiliser enfin ces affiches pour autre chose que pour vendre des voitures », se réjouit l'artiste, qui réunira à l'automne ces commentaires et ses soixante images en un magazine.
La trilogie française, de Philippe Terrier-Hermann, un projet visible dans l'espace public, jusqu'en décembre 2013 Le Quotiden de l'Art>